l'éloge du monde, 4ème épisode: de Tarfaya à la frontière mauritanienne.
Nous attaquons le Sahara occidental par la longue route côtière qui conduit en Mauritanie. Celle que nous baptiserons la route du « désespoir ». Il n’y en a pas d’autres: une 2 voies étroite avec des bas-côtés instables où il presque impossible de se dépasser. D’un côté, l’océan dont nous sommes la plupart du temps séparés par une falaise abrupte, de l'autre un paysage désertique de cailloux et de sable, ceci sur presque 1 000 kms. Quelquefois une trouée dans la falaise ou un oued vient rejoindre l'océan. Quelques troupeaux de dromadaires, des panneaux indiquant la présence de mines, des abris de pêcheurs perchés sur la falaise et très peu de villes. Dans la caravane, la vie s’est organisée avec une discipline naturelle. L’intimité y est limitée à la seule toilette du matin (qui aussi très limitée, il faut bien le dire !) et aux promenades solitaires au moment du bivouac. Plus que les accidents, les pannes ou les braquages, le huit-clos est le principal danger dans ce genre de voyage où quand la fatigue commence à se faire sentir, les tensions montent très facilement. Ce n’est pas le cas dans notre trio, heureusement. Dans la monotonie du paysage, nous nous distrayons de micros-événements : un drom qui semble vouloir traverser la route, un piéton au milieu de nulle part, une carcasse de véhicule accidenté, un camion trop chargé ou en panne, les panneaux indicateurs qui annoncent les distances. Dans ce paysage désolé, le temps finit par ne plus compter ...
1er mars – Tarfaya, kms 3 523 - temps clair, 22°.
Je note « commencer anti-palu »: 1 comprimé tous les matins, à prendre huit jours avant les zones à risque. A Layoun (la plus grande ville d'un territoire qui n'a toujours pas trouvé son statut), nous photocopions nos passeports, cartes grises, permis de conduire. Les postes de contrôle émaillent la route, à l’entrée et à la sortie de toutes les villes, La gendarmerie d’abord, la douane ensuite, autorités marocaines puisque dans la pratique, la plus grande partie du Sahara occidental dépend administrativement du Maroc. Nous chargeons à bloc les réservoirs de gas oil, et faisons force provisions d’eau. Si le carburant profite d’une détaxe, les stations sont peu nombreuses et les auberges encore moins. A l’exception d’un problème momentané avec la boite de vitesses, le 4x4 tient la route et la caravane suit … parfois les pieds dans l'eau. Le trafic sur cette "route du désespoir" est régulier mais il peut parfois se passer une bonne demie-heure avant d'y croiser un véhicule. et personne ne circule la nuit. Ce n'est pas interdit mais tellement dangereux que même les pilotes les plus aguerris y renoncent ! Il y a les mines aussi, ici les sahraouis disent qu'elles ont toutes sautées avec les droms. On s'habitue donc, mais ce n'est quand même pas très rassurant et on s'éloigne rarement de la route. Les kilomètres défilent. Nous passons le tropique du cancer dans la journée du 3 mars. Le Tchad est encore loin !